samedi 23 décembre 2023

Macron met la gomme: effacement de L'Assemblée Nationale.

 

Les matins de Guillaume Erner . France Culture. 23 décembre.

https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/le-billet-politique/l-effacement-de-l-assemblee-nationale-3723036

La séquence politique que nous venons de vivre autour de la loi immigration a mis en lumière une anomalie dans le fonctionnement de nos institutions. L’Assemblée nationale n’a quasiment pas participé au processus législatif. Elle a été tenue à l’écart de la fabrication de la loi.

C’est inédit sous la Ve République. C’est elle, la chambre basse, en théorie, qui est au centre du jeu. Car les députés ont cet avantage sur les sénateurs qu’en cas de désaccord persistant entre les deux chambres au terme de la navette parlementaire, ils ont en principe le dernier mot. C’est à eux que le gouvernement confie un projet de loi en dernière lecture et demande de trancher.

Or, au cours de deux dernières semaines, cette mécanique institutionnelle n’a pas été respectée, l’assemblée nationale s’est retrouvée comme effacée, gommée du processus de confection de la loi et il est à craindre que ce ne soit pas un accident.

Tout a commencé le lundi 11 décembre avec l’adoption par les députés d’une motion de rejet de la loi immigration, bloquant ainsi l’examen du texte à l’assemblée.

Face à cette situation le pouvoir exécutif n’a pas relancé la navette parlementaire pour ne pas s’exposer au risque d’une nouvelle motion de rejet préalable. Il a décidé ainsi que l’autorise la procédure accélérée de réunir une commission mixte paritaire (CMP) c’est une commission de conciliation qui réunit 7 députés et 7 sénateurs, lesquels essaient de trouver un compromis entre les textes de lois produits par chaque assemblée. La difficulté est que les députés n’avaient pas de texte à défendre, l’assemblée nationale n’ayant pas examiné la loi.

Et puis une seconde difficulté est apparue, quand Emmanuel Macron a décidé qu’il n’y aurait pas de 49.3 sur ce texte de loi. En faisant cela, il a exclu de renvoyer le texte en dernière lecture à l’assemblée où le gouvernement aurait pu forcer son adoption en usant du 49.3. Dans le même temps, par un effet collatéral, le chef de l’état a retiré aux députés la primauté dont ils disposent habituellement sur les sénateurs en commission mixte paritaire. Habituellement, les députés peuvent dire aux sénateurs, si vous ne voulez pas trouver d’accord tant pis, le texte sera renvoyé en dernière lecture à l’assemblée et c’est nous qui trancherons. Bien souvent, ça facilite la conciliation. Là, ce n’était pad le cas, les députés n’avaient pas de texte de loi à défendre, pas de moyen de pression, ils n’avaient par conséquent pas voix au chapitre et aucun pouvoir de négociation.

-       Et tout s’est donc négocié en dehors de la commission mixte paritaire.

-        Les négociations se sont déroulées en dehors de la CMP effectivement, directement entre les sénateurs et le gouvernement plus précisément entre la droite sénatoriale et le gouvernement. C’est ainsi qu’on a assisté à tout un tas de réunions préalables autour de la première ministre à Matignon. Puis quand la commission mixte paritaire a officiellement lancé les discussions se sont enchaînées les suspensions de séances parce qu’il fallait prendre l’avis du gouvernement. Les députés ont été relégués dans cette affaire au rang d’intermédiaire.

Et ce n’est pas tout puisqu’après que la loi fut adoptée, avant-hier soir, le président a considéré que certaines dispositions ne lui plaisaient pas beaucoup ou qu’elles lui paraissaient inconstitutionnelles, il allait saisir le conseil constitutionnel afin qu’il toilette cette loi fraichement votée. Il l’a confirmé hier soir au cours de l’émission « C’est à vous » à laquelle il participait sur France 5. Autrement dit, il a décidé de faire faire par le conseil constitutionnel une partie du travail que n’a pas fait le parlement et que n’a pas fait en particulier l’assemblée nationale.

-        Tout cela dénote un dysfonctionnement structurel selon vous.

-        Oui, avec l’exécutif qui fabrique la loi en se passant de l’assemblée nationale, dans un dialogue exclusif avec le sénat, alors qu’en théorie c’est devant les députés que le gouvernement est susceptible d’engager sa responsabilité. Vous voyez à quel point c’est incohérent. Le résultat est que la loi est mal faite. Le gouvernement d’ailleurs reconnait avoir fait voter des dispositions inconstitutionnelles.

-        Par ailleurs ça génère du découragement chez les députés, de l’instabilité car la majorité est divisée, le doute s’installe chez beaucoup à l’assemblée comme au gouvernement. Cette situation va encore perdurer. Tout ça est le fruit des élections législatives en 2022 qi n’ont pas donné de majorité au président réélu. La cinquième république n’est pas faite pour ce cas de figure. Elle donne le pouvoir à un homme élu au suffrage universel et l’assemblée nationale est son bras armé, et le moyen dont il dispose pour exercer le pouvoir qui lui est confié. S’il n'a pas de majorité son pouvoir est entravé, ça dysfonctionne. Et c’est ça que génère les grands bouleversements auxquels on assiste depuis quelques années, avec la tripartition du paysage politique, une absence de majorité, un dysfonctionnement et une fragilisation des équilibres institutionnels de la 5ème république.

-        Stéphane Robert France Culture – 21 décembre 2023.

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